Les mesures de protection MJPM
Principes généraux
La protection juridique des majeurs concerne aujourd'hui près d'un million de français. La loi du 5 mars 2007 a réformé en profondeur le droit de la protection juridique pour placer la personne protégée au cœur du dispositif. Son entrée en vigueur le 1er janvier 2009 a adapté le système de protection des personnes en tenant compte des mutations sociales et sociétales (allongement de la durée de vie, phénomènes de précarisation…). La loi permet une protection accrue des personnes et elle promeut dans la mesure du possible leur autonomie.
La Loi de réforme pour la justice du 23 Mars 2019 comprend plusieurs dispositions relatives à la protection des Majeurs qui visent notamment à reconnaître à davantage de droits et d'autonomie aux personnes protégées (autorisation du droit de vote, actes personnels tel que le mariage...). La Loi supprime également les autorisations préalables du juge pour certains actes, ceci afin d'alléger la charge sur les tribunaux (ex : souscription d'un contrat obsèque, ouverture d'un compte bancaire).
De plus, les services mandataires judiciaires à la protection des majeurs s'inscrivent dans le cadre de la loi du 2 janvier 2002 dont l'un des axes principaux vise à renforcer les droits des usagers et plus particulièrement leur expression et leur participation.
Textes de références – Repères juridiques
- Loi du 2 janvier 2002
- Loi du 5 mars 2007
- Loi du 23 Mars 2019
Code civil : articles 425 à 432 (curatelle), articles 433 à 439 (sauvegarde de justice), articles 425 à 427 (dispositions générales sur la tutelle d'une personne majeure), articles 428 à 432 (dispositions relatives aux mesures judiciaires) et article 440 (prononcé de la tutelle), articles 477 à 497 (mandat de protection futur).
Les acteurs du dispositif de protection juridique
Le juge des tutelles a plusieurs missions :
- Organiser le régime de protection : ouverture, renouvellement, modifications ou fermeture de mesure de protection, définition du régime de protection, choix du mandataire (familial ou MJPM), prise de décision sur les demandes émanant de la personne protégée, arbitrage…
- Contrôler l'exécution des mesures de protection, visite de la personne protégée* Sanctionner le mandataire : prononcer des injonctions contre les personnes chargées de protection, dessaisir un mandataire s'il constate un manquement
Le greffier en chef a pour mission de contrôler les comptes de gestion transmis par les mandataires familiaux ou les mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Le Procureur de la République a vu le périmètre de ses missions s’accroître avec la réforme de 2007 :
- Il est devenu le filtre de tous les signalements (car désormais le juge des tutelles ne peut plus se saisir d'office)
- Il donne son avis à l'ouverture des mesures de protection
- Il donne son avis sur les demandes d’habilitation en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs
- Il donne son avis sur le versement d'indemnités complémentaires Il établit la liste des médecins agréés
- Il exerce une surveillance générale sur les mesures de protection et participe au contrôle des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Il peut à ce titre demander la radiation.
Le médecin inscrit sur la liste prévue à l'article 431 du code civil
Le juge ne pourra être saisi que par requête accompagnée d'un certificat médical circonstancié constant l'altération des facultés personnelles du majeur et décrivant les conséquences de celle-ci sur la vie civile de l'intéressé.
Ce certificat émanera d'un médecin inscrit sur la liste prévue à l'article 431 du code civil. Ces médecins sont principalement des psychiatres, gériatres, neurologues ou généralistes. Ces médecins sont également consultés lors des révisions des mesures de protection. Enfin c'est sur leur avis spécialement motivé que le juge peut décider de ne pas auditionner une personne à protéger.
Présentation sommaire des types de mesures de protection
ALTERATION DES FACULTES MENTALES ou ALTERATION DES FACULTES CORPORELLES QUI ONT POUR CONSEQUENCE D'EMPECHER L'EXPRESSION DE LA VOLONTE | ABSENCE D'ALTERATION DES FACULTES MENTALES OU CORPORELLES | |||
Mesures judiciaires | Besoin d'une protection temporaire | SAUVEGARDE DE JUSTICE articles 433 et suivants du code civil |
Mesure d'accompagnement social personnalisé (MASP) | |
La personne conserve l'exercice de ses droits sous réserve des actes pour lesquels un mandataire spécial a été désigné | 2 niveaux - mesure contractuelle : aide à la gestion des prestations sociale et des autres ressources ; aide à l'insertion sociale - mesure contraignante : versement direct, sur autorisation du juge d'instance, de prestations sociales au profit du bailleur Durée maximale : 4 ans |
|||
Nécessité d'une assistance ou d'un contrôle continu dans les actes de la vie civile | CURATELLE | |||
Curatelle simple (articles 440 et suivants du code civil) La personne ne peut faire des actes de disposition qu'avec l'assistance du curateur |
Curatelle renforcée (articles 472 et suivants du code civil) de plus, le curateur perçoit seul les revenus et assure seul le règlement des dépenses |
|||
Nécessité d'une représentation de manière continue dans les actes de la vie civile |
TUTELLE articles 440 et suivants du code civil |
Mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ) | ||
Pour les actes d’administration, le tuteur agit seul. Pour les actes de disposition, le tuteur agit, selon les cas, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille |
EN CAS D'ECHEC DE LA MASP mesure ordonnée par le juge des tutelles 2 actions : |
|||
Mesures non judiciaires | Mandat de protection future |
Source : UNAPEI
Le cadre législatif prévoit les modalités de rémunération de la personne assurant la protection.
Si la mesure a été confiée à la personne avec qui le majeur protégé vit en couple, à un membre de sa famille ou à un proche, la mesure est exercée à titre gratuit. Toutefois, le juge des tutelles ou le conseil de famille peut autoriser, selon l'importance des biens gérés ou la difficulté d'exercer la mesure, le versement d'une indemnité à la personne chargée de la protection. Il en fixe le montant. Cette indemnité est à la charge de la personne protégée.
Si la mesure a été confiée à un Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs, la personne protégée doit participer au financement en fonction de ses revenus. Les revenus pris en compte sont ceux perçus au cours de l'avant-dernière année précédant la mise en place de la mesure. Le prélèvement s'effectue par tranche comme pour l'impôt sur le revenu. C'est le juge des tutelles qui fixe cette participation.
Le déroulement de la mesure (vous ou l'un de vos proches bénéficiez d'une mesure de protection)
Lorsqu'une personne est dans l'incapacité de se prendre en charge elle-même, en raison d'une altération de ses facultés personnelles, mentales ou corporelles médicalement constatées, le juge des tutelles peut décider son placement sous un régime de protection légale. Le dispositif juridique actuellement en vigueur, issu de la loi du 5 mars 2007, connaît trois mesures de protection judiciaires : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle (cf. tableau précédent).
Tous les textes juridiques relatifs aux mesures de protection ont une même philosophie :
- la prise en compte des droits et libertés individuelles
- la promotion dans la mesure du possible de l'autonomie de la personne protégée.
- Le service mandataire judiciaire à la protection des majeurs de l'UTML développe son action en respectant ces principes fondamentaux.
L'ouverture de la mesure
L'ouverture de la mesure, après la décision du juge est un moment particulier : la personne nouvellement protégée doit rencontrer son mandataire et de son côté, le mandataire doit initier toute une série d'actions pour appréhender les aspects juridiques, administratifs et patrimoniaux.
Lors du premier rendez-vous, la personne protégée doit dans la mesure du possible réunir et amener avec elle les documents suivants :
- Les derniers relevés bancaires ou postaux, cartes bancaires, chéquiers, livrets, comptes titres, etc...,
- La copie de l’attestation de droits à l’assurance maladie, de la carte de mutuelle et de la carte d’invalidité éventuellement,
- Les avis d’imposition sur les revenus des deux dernières années,
- Tout contrat d’assurance (habitation, véhicule à deux ou quatre roues, responsabilité civile, assurance-vie, etc.…),
- Toute notification justifiant les revenus (bulletins de salaire, pensions, CAF, ASSEDIC, MDPH, etc.…),
- Les dernières factures d’énergie, de téléphone, d’eau, d’hébergement si résident en maison de retraite avis d’échéance de loyers, redevance TV, taxe d’habitation et foncière, etc.…,
- Toutes les factures restées impayées à la date du jugement de mise sous mesure de protection ainsi que les diverses dettes à régulariser (courriers des créanciers, tableau d’amortissement, etc.…),
- La copie du livret de famille et de la carte nationale d’identité recto verso,
- Eventuellement le bulletin de décès du conjoint si époux (se) décédé (e),
- Pour les personnes divorcées le jugement de divorce,
- Tous contrats d’abonnement en cours (TDF, CABLES…),
- Contrat obsèques si la personne en possède un,
- Les titres de propriété ou de terrains si existants,
- Les noms et coordonnées des enfants, de la famille proche et du notaire de famille.
Ce premier rendez-vous est également le moment privilégié de communication entre le DPMJ et la personne protégée. Le DPJM remettra à la personne protégée la notice d'information (incluant le règlement de fonctionnement du service) et la charte des droits et libertés de la personne protégée.
La vie de la mesure de protection
La participation de la personne protégée est un axe fort du cadre juridique. La première implication tient dans la rédaction du Document Individuel de Protection des Majeurs (DIPM). Ce document est élaboré et signé par la personne protégée et le mandataire judiciaire à la protection des majeurs. La remise du DIPM est attestée par un récépissé signé par la personne protégée, ou par défaut par un parent ou une personne de votre entourage présente au moment de la remise des documents.
Le DIPM rappelle :
- La nature et les objectifs de la mesure de protection,
- Précise les domaines d’intervention du mandataire judiciaire,
- Les modalités d’accueil et d’échange entre la personne et le service,
- La participation éventuelle de la personne à l’élaboration de ce document,
- Les conditions de sa participation au financement de l’exercice de sa protection juridique.
Document à télécharger : modèle DIPM
La loi et les différents textes juridiques ont prévu dans quelles conditions devait s'exercer les droits et libertés individuelles. Le tableau suivant récapitule les principaux actes.
Droits civils et patrimoniaux |
TUTELLE |
CURATELLE |
Actes usuels de la vie courante | Libres | Libres |
Actes d'administration | Représentation du tuteur | Valablement passés par le majeur seul |
Droits civiques | Lorsque le juge des tutelles ouvre une mesure de tutelle, il statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote (art L 5 du code électoral). Non éligible. | Droit de vote maintenu. Non éligible. (art L -130, L-200, L-230, L-296 du Code électoral) |
Etre juré d'une cour d'assises | Impossible (art 256 du code de procédure pénale) | Impossible (art 256 du code de procédure pénale) |
Actes de disposition (vente ou achat d'immeuble, acceptation ou renonciation à une succession) | Représentation par le tuteur autorisé par le Juge des tutelles (art 505 du code civil) | Assistance du curateur (art 467 et 469 du code civil) |
Réception de capitaux et emploi | Représentation par le tuteur (art 501 du code civil) | Assistance du curateur obligatoire (art 958 du code civil) |
Décisions relatives à la personne | Le majeur prend seul les décisions relatives à sa personne si son état le permet. Si le majeur ne peut pas prendre une décision personnelle éclairée, le juge peut décider d'une assistance ou d'une représentation de la personne protégée (article 459 du code civil) |
Le majeur prend seul les décisions relatives à sa personne si son état le permet. Si le majeur ne peut pas prendre une décision personnelle éclairée, le juge peut décider d'une assistance de la personne protégée (article 459 du code civil) |
Actes à caractère strictement personnel | > La déclaration de naissance d’un enfant, > La reconnaissance d’un enfant, > Les actes de l’autorité parentale relatifs à l’enfant, > La déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant, > Le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. Pas d’assistance ni de représentation possible (article 458 du code civil) |
> La déclaration de naissance d’un enfant, > La reconnaissance d’un enfant, > Les actes de l’autorité parentale relatifs à l’enfant, > La déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant, > Le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. Pas d’assistance ni de représentation possible (article 458 du code civil) |
Administration des biens des enfants mineurs | Quand les deux parents sont protégés, si les enfants ont des biens, désignation possible d'un tuteur aux biens des enfants. | Quand les deux parents sont protégés, si les enfants ont des biens, désignation possible d'un tuteur aux biens des enfants. |
Protection du logement | Vente, résiliation ou conclusion d’un bail possible avec autorisation du Juge des tutelles et avec avis d’un médecin inscrit sur la liste en cas d’accueil en établissement. Souvenirs et objets personnels doivent être conservés à disposition du majeur. (article 426 al 3 du code civil) |
Vente, résiliation ou conclusion d’un bail possible avec autorisation du Juge des tutelles et avec avis d’un médecin inscrit sur la liste en cas d’accueil en établissement. Souvenirs et objets personnels doivent être conservés à disposition du majeur. (article 426 al 3 du code civil) |
Droit d'aller et venir | Libre : le tuteur ne peut user de contrainte pour placer le majeur protégé. Limite de droit commun : l’hospitalisation d’office pour troubles mentaux compromettant l’ordre public et la sûreté des personnes. |
Libre Limite de droit commun : l’hospitalisation d’office pour troubles mentaux compromettant l’ordre public et la sûreté des personnes. |
PACS | > Possible avec l’autorisation du Juge des tutelles ou du conseil de famille après audition des futurs partenaires. > Assistance du tuteur pour la signature de la convention. > Pas d’assistance ni de représentation lors de la déclaration conjointe au greffe du tribunal d’instance. (art 462 du code civil) |
> Possible avec l’assistance du curateur pour la signature de la convention. > Pas d’assistance du curateur lors de la déclaration conjointe au greffe du tribunal d’instance. (article 461 du code civil) |
Mariage | Possible sans intervention directe du tuteur. Formalités : autorisation du Juge des tutelles ou du conseil de famille et après audition des futurs conjoints et recueil, le cas échéant, de l’avis des parents et de l’entourage. (article 460 al 2 du code civil) |
Possible avec l’autorisation du curateur à défaut autorisation supplétive du Juge des tutelles. (article 460 du code civil) |
Divorce | Divorce par consentement mutuel et acceptation du principe de la rupture du mariage impossibles (article 249 – 4 du code civil), audition de l’intéressé par le juge des tutelles. | |
> Demande : avis médical et autorisation du conseil de famille ou du Juge des tutelles. (article 249 du code civil) > Défense : représentation du tuteur. (article 249 – 1 du code civil) |
Demande ou défense : exercée par le majeur assisté de son curateur (article 249 et 249 – 1 du code civil) |
|
Gestion des comptes bancaires | > Ouverture, modifications de comptes avec autorisation du juge des tutelles. > Compte de gestion et justificatifs soumis chaque année au greffier en chef (art 427 et 510 à 515 du code civil) sauf pour la curatelle simple |
|
> La personne protégée ne gère pas ces comptes bancaires | > La personne protégée en curatelle simple conserve la possibilité de gérer les comptes courants sauf pour les comptes de placement (assistance du curateur) > En curatelle renforcée, gestion des comptes par le curateur (art 472 du code civil) |
|
Assurance vie | La souscription ou le rachat d’un contrat d’assurance vie ainsi que la désignation ou le changement du bénéficiaire est possible avec l’autorisation du Juge des tutelles. (art L 132-4-1 du code des assurances) |
La souscription ou le rachat d’un contrat d’assurance vie ainsi que la désignation ou le changement du bénéficiaire est possible avec l’assistance du curateur. (art L 132-4-1 du code des assurances) |
Assurance décès | Interdit sur la tête d’un majeur sous tutelle (art 132-3 du code des assurances) | Possible |
Donation | Possible avec l’autorisation du juge des tutelles (assistance ou représentation) (art 476 du code civil) | Possible avec l’assistance du curateur (art 470 du code civil) |
Testament | Possible avec autorisation du juge des tutelles (art 476 du code civil) | Libre sous les réserves usuelles (art 470 du code civil) |
Sources : ATI - 2009
La durée de la mesure de protection
Depuis la loi du 5 mars 2007, les mesures de protection sont limitées dans le temps.
La tutelle ne peut être ouverte que pour une durée maximale de 5 ans, renouvelable pour une durée identique à celle initialement fixée.
A défaut de renouvellement à la date fixée par le juge des tutelles, la mesure prend fin et la personne protégée retrouve alors toute sa capacité. La loi permet au juge des tutelles de renouveler une mesure pour une durée plus longue si l'état de la personne n'est pas susceptible d'amélioration selon les données acquises de la science. La décision du juge des tutelles doit alors être motivée et corroborée par un avis conforme du médecin sur liste du procureur de la République.
Le juge des tutelles peut également mettre fin à tout moment à la mesure de protection, la modifier, lui en substituer une autre, mais il doit alors exiger un nouveau certificat médical et l'audition de l'intéressé(e).
Le juge des tutelles "peut également mettre fin à la mesure de protection lorsque la personne protégée réside hors du territoire national, si cet éloignement empêche le suivi du contrôle de la mesure" (article 443 du Code Civil).
Les voies de recours
En cas d'ouverture ou de refus de mettre fin à une mesure de protection, la personne protégée, son conjoint, concubin ou son partenaire lié par un PACS, toute personne entretenant des liens étroits et stables avec la personne protégée, et enfin son tuteur peuvent introduire un recours.
En cas de refus de prononcer une mesure de protection seule la personne ayant déposé la demande de mise sous tutelle peut contester le jugement.
Ces recours s'exercent dans les 15 jours suivant la notification du jugement. La demande doit être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et la demande doit être adressée au secrétariat du tribunal d'instance.